mercredi 26 juin 2013

Ne pas savoir, mais savoir ce qui est su : nouveaux rôles pour les acteurs de la CST ?

Dans un article de Libération, Sylvestre HUET, nous donne une vision très intéressante des relations entre la recherche et la société qui peut interroger de façon originale le rôle des acteurs de la CST.
En très, très bref, il propose qu'une expertise sur l'état des connaissances scientifiques, qui soit partagée par tous et dirigée par le politique, remplace la diffusion utopique de l'ensemble des connaissances scientifiques auprès de tous. 
Si l'on suit ce raisonnement, quels peuvent être les (nouveaux) rôles des acteurs de la CST ?


En moins résumé, voilà ce que nous dit l'auteur (où ce que j'en comprend et retiens ! - je passe sur l'explication de la méfiance actuelle du public envers la science)
  1. La somme des connaissances actuellement compilées par la science n'est pas absorbable par le public puisqu'elle ne l'est déjà pas par les chercheurs eux-mêmes.
  2. Devant les choix que les hommes politiques sont malgré tout obligés de faire en matière d'orientation de la recherche, le pouvoir est finalement délégué à un petit nombre d'experts-spécialistes.
  3. Ce système est profondément anti-démocratique : décision prise par des personnes sans mandat démocratique, procédures de décision obscures, citoyens peu ou mal informés. Les décisions se confrontent alors un public au mieux méfiant, au pire opposé aux choix réalisés.
  4. La solution réside donc dans le partage non des connaissances elles-mêmes, mais de l'expertise sur le savoir disponible. Il ne faut pas savoir ce qui est mais savoir ce qui est su !!!
  5. Problème : si la connaissance scientifique est le résultat d'un processus qui lui garantit une certaine objectivité (pour ne prendre que cette qualité), ce n'est pas le cas a priori pour l'expertise. La façon de réaliser cette expertise doit pourtant obéir à certains critères de qualité vu le rôle qu'elle peut prendre en démocratie.
  6. Enfin, la rigueur d'une expertise doit encore pouvoir être diffusée et acceptée dans la population. Or les expertises autoproclamées (notamment réalisées par la recherche publique) pâtissent de la méfiance vis-à-vis de l'indépendance de leurs auteurs.
  7. Finalement ce serait bien aux politiques munis de leurs mandats électoraux d'organiser et de diriger ces expertises afin d'y réintroduire une démocratie jusque là absente. Cela pose malgré tout le problème de la méfiance actuelle à l'égard des politiques (problème tout aussi complexe que celui de la méfiance envers la science et les scientifiques). Conscient du caractère peut représentatif des administrations et de leur nécessaire soumission aux impératifs des politiques, l'auteur renvoie le problème à la confiance dans le politique et dans les processus qu'il proposera pour encadrer les expertises.
Dans cette très intéressante façon de penser le problème des relations entre la recherche et la société, où peuvent se placer les acteurs actuels de la CST ?
  • D'abord ils peuvent abandonner le sacro-saint objectif de diffusion des connaissances pour enfin se concentrer sur l'essentiel : les éléments permettant à tout à chacun de juger, comprendre, interroger la connaissance dans sa qualité, son mode de production, ses limites... plus que dans ses contenus. Cela aurait d'ailleurs le mérite de requalifier plus proprement les rôles (que je considère comme) disjoints de l'école et des acteurs culturels.
  • Ensuite ils peuvent participer à l'élaboration des processus garantissant les qualités requises aux expertises mentionnés. A ce titre, il est évident que les institutions attachées aux mondes politiques sont dans une position ambiguë que souligne l'auteur en dénonçant les "administrations", mais il existe bien d'autres acteurs au premier rang desquels des associations qui peuvent jouer un rôle dans ce processus.
  • Enfin les acteurs de la CST peuvent devenir les relais essentiels auprès des publics des modalités d'établissement des expertises. Ils peuvent participer à leur promotion lorsque la rigueur est de mise ou à leur critique éclairée lorsque celle-ci est soumise au doute. Ils peuvent surtout aider les citoyens à se forger un avis personnel sur ces expertises et les savoirs qu'elles synthétisent.

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