mercredi 19 juin 2013

Un « nouveau » concept pour la conception des médiations



A travers un travail portant sur l'évaluation des médiations en musées de sciences, j'ai proposé un "nouveau concept" (qui n'est pas si nouveau que ça) qui permet de clarifier bon nombre des problèmes rencontrés par les professionnels de la médiation orale (ou humaine ou de face-public...).
La Séance-Type c'est quoi ?


La Séance-Type est l'idée d'une médiation dans sa globalité. [dans ce billet la médiation est toujours sous-entendue comme orale]. En fait ce « concept » apparaît assez naturellement au travers de nombreuses tâches liées et/ou nécessaires à la mise en service d'une médiation. Voici par exemple 3 situations où la Séance-Type s'avère utile :
  1. Vous cherchez à évaluer les offres de médiation mais vous « buttez » sur la définition même de ce qu'est une offre. Est-ce la séance ? Est-ce l'ensemble des séances ? Si vous devez observer des séances lesquelles correspondent vraiment à votre offre ? Faut-il éliminer celles dont les conditions prévues ne sont pas toutes réunies ? Qui définit ces conditions minimales ? ...
  2. Vous cherchez à organiser le travail en amont des séances, c'est-à-dire les processus de conception (ou production) des offres. Mais qu'est-ce qui est produit par cette étape ? Quels en sont les rendus ? Où se place la limite entre conception et réalisation (ou exploitation) ? ...
  3. Vous devez former quelqu'un à une offre que vous avez conçue. Comment faire ? Que dois-je lui fournir ? Finalement qu'est-ce qui caractérise mon offre indépendamment de moi ?
Ces trois exemples de questionnement (il y en a d'autres) deviennent très vite complexes quand on s'y confronte avec un réel soucis de clarification. Pour l'avoir vécu à plusieurs reprises, les discussions se heurtent souvent à un vocabulaire ou des concepts mal partagés. La séance-type est un nouveau (?) concept qui peut aider à décoincer ce type de réflexion.

Différentes définitions de la Séance-Type pour un même concept !

 

Définition issue de l'évaluation

 

Toute démarche d'évaluation comprend une phase d'observation (ou de recueil des données). Ainsi pour évaluer une offre, il est souvent nécessaire d'en observer les différentes séances. Une des difficultés qui se pose aux évaluateurs est de savoir comment identifier les séances à observer ou comment savoir quelles séances sont effectivement « rattachables » à l'offre à évaluer. Parmi toutes les séances a priori observables, certaines se réalisent dans des conditions très éloignées (et c'est un euphémisme !) de ce qui était prévu lors de la conception de l'offre

Imaginez une offre pensée pour des enfants qui serait exceptionnellement proposée à des adolescents. L'évaluation de cette séance soulignerait l'inadéquation de l'offre aux publics. Mais que doit-on vraiment remettre en cause : les séances telles qu'elles ont été pensées ou les processus qui ont amené à proposer une offre pour enfants à des adolescents ?

Parce que la médiation orale, a contrario d'autres formes de médiation, à l'avantage de permettre une adaptation à des situations de terrain très variées, il existe une tendance « naturelle » à lui demander de s'adapter bien au-delà des conditions minimales prévues lors des phases de conceptions des offres. Cette tendance remet en cause la base de toute évaluation, puisqu'elle jette le doute sur le recueil des données. Pour résoudre cette difficulté, une solution est de définir les conditions minimales permettant d'associer une séance à une offre (et inversement d'exclure certaines séances exceptionnellement hors cadre). Cette liste de caractéristiques « minimales », qui sera dans les faits établie par le concepteur de l'offre, est : la Séance-Type.

Définition issue de la conception (ou des organisations)

 

Quelque soit les organisations des structures, il existe toujours dans le processus qui amène une offre à se réaliser sur le terrain une phase en amont consistant à « penser cette offre ». Cette conception « prévoit » de façon plus ou moins précise, le déroulé de la future offre, les situations et difficultés qui vont être rencontrés, les publics, les discours et les échanges qui pourraient et/ou devraient avoir lieu, les outils, objets, panneaux à utiliser...

Mais tout n'est pas prévisible (et par rapport à d'autres formes de médiation, la médiation orale est particulièrement soumise à l'imprévisible puisque tout ses protagonistes sont des êtres humains en interactions qui ne sont par essence pas toujours très prévisibles). De plus la qualité d'adaptabilité de cette forme de médiation ne vaut que si on laisse une marge de manœuvre aux personnes qui auront en charge de faire vivre l'offre sur le terrain. A l'inverse des éléments doivent être fixés en amont pour permettre l'intégration de l'offre à d'autres processus (communication, gestion de flux, gestion matériel, sécurité, commercialisation...) et donc au fonctionnement global de l'institution ou de l'endroit où elle se déroule.

Pour ces différentes raisons, il convient de trouver un juste milieu entre ce qui est prévu par la phase de conception et ce qui est laissé à l'interprétation du médiateur qui va assurer la séance sur le terrain. Bien entendu ces caractéristiques minimales prévues, doivent permettre la bonne réalisation des objectifs des séances, ainsi que la bonne intégration de l'offre dans son environnement. Ces caractéristiques constituent la Séance-Type.

Définition issue de l'exploitation

 

Pour de nombreuses raisons déjà évoquées plus haut, il apparaît que les différentes séances d'une même offre ne vont pas se dérouler exactement de la même façon sur le terrain. Les agents chargés de mener les séances pourront être différents (soit différentes personnes, soit la même personne mais différentes d'une séance à l'autre), les publics pourront être différents et enfin les environnements pourront également être variables (pour plus de précision sur la modélisation de l'action culturelle en 3 pôles voir le chapitre Modélisation de l'action culturelle du mémoire - page 51 - et sur la variabilité de la situation de médiation orale voir le chapitre Instabilités des médiations orales - page 59). Pourtant, il existe des points communs à toutes les séances d'une même offre qui atteignent correctement leurs objectifs. Ces points communs ne sont rien d'autres qu'une liste de caractéristiques minimales définissant l'offre (on retrouve la définition issue de l'évaluation) ou encore garantissant la réalisation des objectifs et la bonne intégration des séances à leur environnement (définition issue de la conception).

Nous avons donc maintenant un concept qui se définit de trois façons différentes mais qui recouvrent bien la même idée, celle d'une séance non-complètement définie mais suffisante à sa bonne exploitation sur le terrain et à la réalisation des objectifs qui lui ont été assignés.

Mais à quoi sert concrètement ce concept ou ces définitions ?

 

D'abord à faciliter les réflexions ! Et ce n'est pas rien dans un monde (la médiation orale en CST) où les bases théoriques sont quasi-inexistantes et donc obligent bien souvent à tout reprendre depuis le début, y compris des définitions de base. En donnant un nom et une définition à cette entité floue, bizarre, mal délimitée, et pourtant utilisée tout le temps qu'est la Séance-Type, on s'évitera peut-être quelques discussions improductives.

Ensuite, ce concept peut aider les organisations en structurant les missions et les interfaces entre les différents acteurs participant à la mise en service d'une médiation. Dans des structures où il existe de nombreuses personnes pouvant intervenir sur les processus amenant une offre sur le terrain (nombreux salariés ou travail à plusieurs partenaires par exemple), la Séance-Type peut devenir un élément clef des échanges. Les supports qui la décrivent peuvent par exemple devenir le rendu explicite attendu des phases de conception. Ces supports peuvent aussi servir de descriptifs pour les personnes en charge d'autres facettes de l'offre (promotion, vente, statistique...) ou en charge d'éléments environnementaux importants pour l'exploitation de l'offre ou du site où elle se réalise (sécurité, maintenance, gestion matériel, gestion financière...).

La Séance-Type et ses supports descriptifs

 

Au-delà de l'aspect conceptuel de la Séance-Type, on voit bien dans les exemples ci-dessus que les supports descriptifs de cette Séance-Type sont également des outils qui peuvent devenir importants. Ces supports sont assez difficile à standardiser dans la mesure où les caractéristiques minimales telles qu'elles sont définies ci-dessus, ne sont pas forcement les mêmes d'une situation ou d'une structure à l'autre. Dans le cadre d'un musée par exemple, les salles traversées ou les objets exposés et explicités dans les discours apparaîtront très certainement dans ces supports. Pour des structures se déroulant en extérieure, les conditions climatiques seront importantes et les solutions de replis devront être prévues à la Séance-Type. Pour des animations réalisées par de nombreux médiateurs différents, certains discours et/ou phases du déroulé devront être précisés et pourront servir également de supports de formation. Dans des offres très participatives, c'est une grande souplesse qu'il faudra laisser aux médiateurs pour lui permettre de s'adapter à son public, ses réactions et interventions ...
Ainsi, du fait de cette diversité, il serait abusif de produire des grilles types pouvant servir de support à toute Séance-Type. Il convient en fait pour chaque situation et/ou structure d'identifier les champs importants et de construire son propre outil. Pour cela, il ne faut pas seulement se limiter à ce qui définit une séance idéale, mais aussi chercher à comprendre à quoi ces outils sont destinés, à qui il vont servir et pourquoi ? Les supports finaux seront très différents qu'ils soient destinés à formaliser le rendu de la phase de conception auprès du commanditaire, à servir de support d'évaluation ou de formation, à organiser les interfaces entre les différents acteurs du terrain ou de la mise en service de l'offre.

Des supports pas nouveau mais un concept sous-estimé

 

Tout professionnel de la médiation à déjà eu à décrire la Séance-Type d'une offre et ceux pour X raisons déjà évoquées. Nombreux sont ceux qui ont aussi poussé la réflexion jusqu'à chercher à uniformiser et/ou optimiser quelque peu ces outils descriptifs. Tout cela n'est pas nouveau ! Par contre, ce qui pourrait l'être c'est l'importance reconnue et assumée du concept sous-jacent à ses outils.

L'idée défendue ici (et plus complètement décrite dans le mémoire) est que derrière ces outils techniques (et quelque fois trop vite faits et/ou abandonnés) se cachent quelque chose qui mérite réflexion. Quelque chose qui peut aider bien au-delà de ce qu'on peut penser a priori. Quelque chose qui peut décoincer des problématiques telle que l'optimisation des organisations, l'évaluation qualitative des offres, la formation des médiateurs, l'amélioration des relations inter-services ou multi-partenariales...



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