jeudi 18 juillet 2013

Concevoir une offre de médiation (1) : principes généraux

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Muséum de Toulouse. Christian Nitard
Depuis pas mal de temps que je conçois puis encadre la conception d'animation de CST, j'ai déjà pu constater le manque de méthodes partagées des professionnels sur ce sujet. En tout cas, il y a très peu de chose sur le net, et quand on débute ou qu'on cherche à améliorer ses pratiques ce n'est pas si simple de trouver des outils à comparer, critiquer, analyser.
Je me lance donc en mettant en ligne des réflexions (= une méthode ?), fruits de mes diverses expériences sur le sujet.

(Je ne suis pas certains que cela ne s'applique qu'aux seules offres de médiation face-public en CST mais je n'ai pas le temps de le vérifier, donc dans le doute, on va se limiter à ce cas de figure.

Initialement prévu sur un seul billet, la longueur du texte et la diversité des sujets m'obligent à le diviser en plusieurs. Nous commencerons donc ici par des considérations générales pour aborder dans d'autres billets des réflexions plus pratiques mais non moins intéressantes.)

Pré-requis


Qu'est-ce qu'une offre ?

Une première confusion doit tout d'abord être abordée. Quand on parle d'offre de médiation, on ne sait pas vraiment de quoi il s'agit. Je vous propose trois définitions :
  1. l'offre de médiation est le concept le plus large : il englobe les séances, mais aussi leurs communications, leurs budgets, leurs programmations, leurs matériels, les formations nécessaires ...
  2. la séance-type * représente ce que devrait être l'offre sur le terrain. Il s'agit donc de l'ensemble des caractéristiques qui définissent les séances tout en laissant une marge d'adaptation à la réalisation et tout en garantissant la réponse aux objectifs. Elle exclut les aspects qui ne relève pas de la séance et donc de l'animation-médiation stricto sensu (la com', la progra, ...)
  3. la séance est une instance de réalisation de la séance-type. Elle se définit par l'action réellement vécue qui mets en présence un médiateur, un public et un contexte à un instant donné.
* pour plus de détail sur le concept de Séance-Type

Les 3 phases d'une mise en service

La mise en œuvre d'une offre de médiation face-public procède toujours en 3 grandes phases.
  1. La commande
  2. La conception
  3. L'exploitation
A celles-ci peuvent être ajouter d'autres tâches plus ou moins concomitantes. Par exemple :
  • Les différentes formes d'évaluation qui peuvent s'intéresser à l'une ou l'autre de ces étapes. Les deux plus courantes sont celles qui s'intéressent à l'atteinte des objectifs de l'offre et celles qui s'intéressent à l'atteinte des objectifs opérationnels de la séance.
  • La formation des médiateurs qui peut intervenir "initialement" entre la conception et l'exploitation ou en "continu" durant toute l'exploitation, ...
Cette segmentation se justifie à mes yeux du fait des environnements et méthodes de travail très différents sur ces 3 phases.
La commande est rattachée au stratégique. Elle compose avec de très nombreuses influences qui peuvent venir de très loin par rapport à l'offre ou à la structure qui la produit. Elle n'est pas organisable a priori car les situations sont bien trop diverses. Sa temporalité peut être longue dans ses préparatifs jusqu'à la décision de lancer la conception. Cette dernière décision : "ponctuelle", est le seul élément stable de la commande.
La conception est une activité qui peut typiquement se gérer en "mode projet". Elle est segmentable en lot (com', prog, matos, conception de la séance...) qui utilise des compétences souvent dispatchées sur divers individus. Elle se définit par un rendu attendu à une date donnée = une offre à mettre en service !
L'exploitation est une phase longue dont la fin n'est pas forcément prédéfinie. Cette une phase profondément intégrée aux fonctionnements de la structure ou de l'endroit où elle se déroule. C'est aussi une phase où les différentes facettes de l'offre (les lots de la conception) se croisent, se mélangent, ... pour définir l'offre globale.
Notez qu'il peut exister de nombreuses autres façons de segmenter les différentes phases amenant une offre de médiation sur le terrain. Celle proposée ici a notamment le mérite de prendre en compte certaines spécificités de la médiation face-public (confusion de la réalisation du produit et de son usage, phase de conception-prototypage-test-reconception très itérative, ...). Je reviendrais peut-être un jour sur le détail de ces spécificités dans un autre billet.

Une méthode de conception – des grands principes !


Étape 1 : Clarification de la commande et des contraintes

La première étape est de clarifier la commande. Dans d'autres domaines on parlerait d'établissement d'un cahier des charges. Cette clarification doit le plus possible se faire par écrit. En effet il s'agit d'un élément contractualisant entre les commanditaires, les concepteurs, les exploitants. Or ces trois acteurs n'ont pas les mêmes références, les mêmes a priori, méthodes de travail, contraintes, ... Il est donc impératif de poser les choses et de se les expliquer.
L'idéal dès cette phase et si les outils sont disponibles est d'adjoindre à ce cahier des charges les futurs outils descriptifs de la séance-type, des programmations, ... préremplis des éléments que la commande impose et des contraintes que le contexte peut faire apparaître.
Que les outils existent ou non, qu'ils prévoient une place ou non pour les éléments suivants, il est nécessaire que ceux-ci apparaissent lors de la clarification de la commande. Il s'agit de :
  • les objectifs de l'offre (attention à bien les distinguer de ceux de la séance), 
  • les moyens alloués (humain, financier, matériel...) pour les phases de conception et d'exploitation
  • les contraintes explicitement imposées à la conception ou à l'exploitation
  • la date de mise en exploitation de l'offre.
Une remarque importante ! 
J'ai déjà pu entendre que les 2 prérequis à toutes conceptions devaient être la définition des objectifs et des publics cibles. C'est à mon sens une erreur. Non pas qu'ils soient peu importants ou à passer sous silence mais ils ne sont pas toujours disponibles dès l'étape de clarification de la commande. En effet, comme nous l'avons vu plus haut et nous le reverrons plus après, les objectifs sont diverses pour une offre de médiation. Si les objectifs de l 'offre relèvent d'un échange avec la commande, puisque c'est elle qui demande la conception de l'offre et qui donc doit savoir pourquoi elle le fait, les objectifs de la séance ne sont pas toujours (voir rarement) fixés à ce stade. De même, la définition des publics cibles n'est pas non plus forcément du ressort de la commande. Si les objectifs de l'offre ne portent pas sur les publics, ces derniers peuvent être définit à des étapes ultérieures. Exemple : une offre commandée pour augmenter la fréquentation d'un lieu sur une période donnée n'impose pas forcément un public ciblé dès la commande.

Étape 2 : La conception proprement dite et l'impossible standardisation de la méthode

La proposition d'une méthode voudrait qu'on aborde ici une succession d'étapes « à suivre » pour la conception d'une offre. Pourtant, mon expérience aujourd'hui tend à montrer que ce serait mentir que de faire croire qu'il y a une méthode « qui marche tout le temps ».

Pourquoi est-ce si difficile ?
D'abord parce que la diversité des créations actuelles en matière de médiation face-public est telle qu'on imagine mal qu'elles puissent toutes se réduire à une seule méthode de conception. Entre les offres ultra-participatives (issues par exemple de la pédagogie de projet) et une offre de démonstration scientifique (plus proche d'une dynamique théâtrale), entre une offre de débat (pour lesquelles on peut parler de modération) et un atelier plastique pour enfant (plus proche du monde de l'animation), entre une offre utilisant les nouvelles technologies dans un musée et un stage de paléontologie sur le terrain, … bref la diversité est infinie.
Ensuite, il y a également la diversité des situations de conception. La structure dans laquelle se conçoit l'offre comme celle dans laquelle les séances vont avoir lieu sont là encore très diverses. Je vous passe les exemples !!!
Enfin, la conception est pour une part une activité créative qui en tant que telle tolère mal la procédure. Les processus et conditions qui permettent à une personne d'être inventive et originale ne sont pas partagé par tous (ça se saurait !). Certains sont adeptes du brainstorming, d'autres préfèrent l'isolement, certains vont préférer les évolutions par petites touches ou par essais-erreurs quand d'autres préféreront les profonds changements, certains devront ne faire que cela pendant un temps alors que d'autres auront besoin de laisser mûrir leurs idées en faisant autre chose...
Pour toutes ces raisons, je doute sincèrement qu'il y ait une seule méthode qui fonctionnerait tout le temps. Il en existe de nombreuses (peut-être autant que de concepteurs ?) qui peuvent servir dans certains cas. En réduisant par exemple la diversité des offres, on peut chercher à dégager certains standards (Comment concevoir une animation contée ? Comment concevoir une animation démonstrative ? …) mais on ne pourra pas réduire toutes les diversités précitées. Bref à chacun sa méthode !
Par contre pour construire sa propre méthode l'expérience de l'autre est toujours utile. C'est pourquoi dans le(s) billet(s) suivant(s) consacré(s) à ce sujet, je m'attacherais à préciser certaines réflexions pratiques pouvant aider la conception ou l'élaboration de méthode de conception.

Étape 3 : l'exploitation, une phase à penser dès la conception

Même si l'exploitation est une phase profondément différente de la conception, elle ne doit pas pour autant être reniée par les concepteurs.
Dans le cadre d'une exposition, il peut arriver de voir les commissaires ou les concepteurs se détacher quelque peu de l'exploitation de leur produit (c'est une erreur mais c'est aussi un constat !). On pourrait croire que cette pratique est moins présente dans le cas de la médiation face-public. Pourtant il ne faut pas négliger cet écueil. En effet, souvent les concepteurs des offres de médiation face-publics en sont également des exploitants (voir les seuls) ce qui garantit un suivi entre les deux phases. Mais l'expérience montre que dès lors qu'un concepteur ne participe plus à l'exploitation de l'offre, il a fortement tendance à s'en détacher.
Mais pourquoi serait-ce si important de voir des concepteurs (expo ou médiation face-public) s'intéresser à l'exploitation ? J'y vois personnellement au moins 3 intérêts majeurs. D'abord la conception n'est pas toujours complètement aboutie lors de sa livraison pour une mise en service ce qui implique quelques corrections « de dernières minutes ». Ensuite c'est grâce à un suivi de l'exploitation (via une évaluation ou non) que les concepteurs peuvent monter en compétences d'une conception à la suivante.
Le troisième intérêt est l'évidence même : le résultat de la conception constituera le cadre de travail de l'exploitation et notamment de sa partie médiation de terrain. Aussi, si l'on souhaite voir une exploitation se dérouler correctement, il est vital que la conception s'intéresse à tous les aspects de l'exploitation et pas seulement au déroulé de la séance. Sans aucune prétention à l'exhaustivité, on pensera par exemple à : la formation des médiateurs, les difficultés d'installation ou de rangement, la gestion du matériel (stockage, réapprovisionnement...), la variabilité des situations rencontrées, les interactions avec l'environnement ou avec d'autres offres...


Voilà pour les premières grandes réflexions relatives à la conception d'offres de médiation face-public en CST. Suivront bientôt des réflexions d'ordre plus pratique (mais peut-être un peu moins structurée) visant à aider les concepteurs en recherche de conseils, aides ou méthodos !

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