En médiation scientifique, et plus spécifiquement lorsqu'on est appelé à vulgariser des notions ou concepts scientifiques, la métaphore est un outil très souvent utilisé, très fortement conseillé mais trop peu souvent critiqué.
D'abord qu'est-ce qu'une métaphore ?
Le CNRTL nous dit : "Figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme
qui, en langue, en signifie une autre en vertu d'une analogie entre les deux entités rapprochées et finalement fondues."
Par exemple : j'ai un phénomène scientifique X à décrire à un public qui ne connaît rien à ce domaine scientifique. Pour se faire, je vais décrire un phénomène Y de la vie courante avec un vocabulaire lui aussi de la vie courante. Puis je vais signifier que X et Y fonctionnent à l'identique.
Attention : je prend ici d'énormes libertés sur le sens du terme métaphore et l'usage que j'en fais. En effet je passe sous silence la finesse des distinctions que certains peuvent voir dans les termes : analogie, comparaison, métaphore in abstentia, métaphore in praesentia, allégorie... J'aurais pu me cacher derrière un terme plus global tel que "image" mais je préfère faire l'erreur courante en vulgarisation d'utiliser le terme métaphore pour recouvrir un peu toutes ces idées.
Pourquoi tant d'engouement pour la métaphore en vulgarisation scientifique ?Quelques éléments de réponse pas tous si évidents !
D'abord, il y a le vocabulaire. La métaphore permet d'utiliser un vocabulaire déjà maîtrisé par le public (en général, un vocabulaire de la vie courante). On s'affranchit alors des nombreuses définitions et digressions qui seraient nécessaires sans la métaphore.
Mais beaucoup plus que cela, et on l'oublie trop souvent, l'absence de difficultés sur le vocabulaire permet de se focaliser et de focaliser son public sur le seul concept que l'on souhaite expliquer, et seulement sur le concept. C'est d'ailleurs le fondement même de la métaphore. L'objectif d'un travail de vulgarisation étant bien souvent les concepts plus que le vocabulaire, on voit ici tout l'intérêt de la métaphore.
Enfin, il faut noter la proximité entre le fonctionnement de la métaphore et une idée assez fondamentale en vulgarisation, en médiation scientifique, en CST, en pédagogie... qui veut que toute action parte des connaissances et conceptions du public lui-même, un peu comme une métaphore. Cette proximité créé certainement un lien fort entre vulgarisation et métaphore et donne peut-être un statut privilégié à celle-ci dans l'esprit des acteurs de la CST.
Quelques limites et risques de la métaphore dans un objectif de vulgarisation ?
La base : ne pas oublier qu'il doit y avoir analogie.
Cela parait évident. Pourtant à force de voir dans la métaphore une possibilité de s'affranchir d'un vocabulaire complexe, on peut en oublier la base et chercher des analogies là où il n'y en a que très peu (en bref on risque de faire du capilotracté).
Un vocabulaire courant finalement pas si courant.
Un présupposé est le caractère courant du phénomène et/ou du vocabulaire utilisé dans la métaphore. Attention à ce qu'il le soit vraiment.
Exemple : le champ gravitationnel ? ... Attendez ! Heu, c'est comme le champ électrique ... ou magnétique ... ou électromagnétique ... ou enfin vous voyez c'est pareil !
Superposition désastreuse des champs lexicaux ou comment perdre son public dans les méandres conceptuels de la métaphore.
La clarté de la métaphore tient pour une part à l'aspect disjoint des domaines mis en analogie. Si la limite n'est pas maintenue, le public peut s'y perdre.
Par exemple : utiliser l'image des relations de généalogie pour expliquer le degré de parenté entre espèces ou d'autres notions de phylogénie est extrêmement risqué. En effet la phylogénie traitant de problème d'espèce ou de population, alors que la généalogie porte sur les individus, les deux domaines semblent suffisamment disjoints pour quelqu'un maîtrisant ces notions. Pourtant les concepts vont vite se mélanger et cela va devenir complexe dans une discussion lorsqu'il faudra aborder les termes de variations, de transmissions génétiques, de sélection, de définition phylogénétique de l'espèce, ... Toutes ces notions vont mélanger les vocabulaires et les concepts des deux domaines et le néophytes finira par s'y perdre.
Autre exemple : les plaques tectoniques flottent sur le manteau comme des radeaux sur l'océan. Passons sur le fait que l'analogie ne sert à rien puisqu'elle cherche à expliquer le verbe "flotter" qui ne le nécessite pas a priori. La difficulté n'est pas immédiate mais arrivent très vite si derrière cette phrase viennent des précisions du type : les plaques tectoniques peuvent être continentales ou océaniques !!! De vrais néophytes risquent vite de se mélanger les pinceaux entre les plaques et les océans et cela deviendra catastrophique lorsqu'on abordera les notions de subductions ... Mais finalement qui flotte sur qui ???
L'analogie auto définie par la métaphore elle-même.
En plus clair, seul celui qui maîtrise les deux phénomènes peut par comparaison déduire ce qui est analogue aux deux et donc la limite de ce qui est transposable. Faisant l'effort d'aller dans le langage courant pour décrire un phénomène scientifique, le vulgarisateur peut oublier que son travail n'est pas qu'un exercice de style visant à trouver un phénomène de la vie courante similaire à celui à expliquer. Il doit garder à l'esprit que la comparaison doit surtout fonctionner dans l'autre sens : du courant vers le scientifique. Il peut oublier que l'analogie qui lui parait à lui évidente tient surtout au fait qu'il connaît les deux phénomènes comparés. Il peut finalement oublier de préciser au néophyte ce qui est effectivement comparable.
En fait, pour aller plus loin sur ce problème, on peut dire que dans certains cas les limites de ce qui est commun aux deux phénomènes comparés ne peuvent se déduire qu'en maîtrisant les deux phénomènes.
La métaphore n'est valable que pour ceux qui n'en n'ont pas besoin !Le dernier risque abordé ci-dessus peut s'exprimer différemment. Ce que l'on demande au public quand on lui présente une métaphore, c'est de "prendre avec lui" un phénomène et de l'appliquer dans un monde qui lui est inconnu (tient voilà une petite métaphore :-)). Mais quand il fait son "bagage", rien ne lui indique précisément ce qu'il doit emmener. Les limites précises de ce qu'il doit prendre dans son monde pour l'appliquer au monde inconnu ne lui sont justement pas connues. Pire, il n'a pas forcément conscience qu'il emmène plus ou moins de bagage avec lui. Si le vulgarisateur n'y est pas attentif, il peut se retrouver avec une métaphore qui produit finalement plus d'incompréhension que de compréhension.Cette remarque est une mise en garde générale concernant les métaphores en vulgarisation. Tout vulgarisateur utilisant une image, une comparaison, une métaphore, doit être très conscient que les aspects comparables des deux phénomènes ne sont connus que des personnes qui justement maîtrisent déjà les 2 phénomènes. Les autres personnes, qui sont les vraies cibles de l'image, vont devoir "improviser". Pourtant ce sont bien elles qui vont in fine décider de ce qui semble comparable entre les 2 phénomènes !!! - j'ai ici un vague souvenir d'une petite BD qui illustrait je crois cette idée sur la sortie des eaux avec des poissons et des bouteilles d'oxygène. Je ne suis plus sûr qu'elle portait bien sur cette idée mais si quelqu'un la retrouve, je suis preneur !
Cette difficulté de l'usage de la métaphore en vulgarisation invite à ne pas se contenter de l'image trouvée pour expliquer un phénomène, mais à l'accompagner, la discuter, la réfléchir (si possible avec son public), ... Bref ne pas se reposer sur ses lauriers !
D'abord qu'est-ce qu'une métaphore ?
Le CNRTL nous dit : "Figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme
qui, en langue, en signifie une autre en vertu d'une analogie entre les deux entités rapprochées et finalement fondues."
Par exemple : j'ai un phénomène scientifique X à décrire à un public qui ne connaît rien à ce domaine scientifique. Pour se faire, je vais décrire un phénomène Y de la vie courante avec un vocabulaire lui aussi de la vie courante. Puis je vais signifier que X et Y fonctionnent à l'identique.
Attention : je prend ici d'énormes libertés sur le sens du terme métaphore et l'usage que j'en fais. En effet je passe sous silence la finesse des distinctions que certains peuvent voir dans les termes : analogie, comparaison, métaphore in abstentia, métaphore in praesentia, allégorie... J'aurais pu me cacher derrière un terme plus global tel que "image" mais je préfère faire l'erreur courante en vulgarisation d'utiliser le terme métaphore pour recouvrir un peu toutes ces idées.
Pourquoi tant d'engouement pour la métaphore en vulgarisation scientifique ?Quelques éléments de réponse pas tous si évidents !
D'abord, il y a le vocabulaire. La métaphore permet d'utiliser un vocabulaire déjà maîtrisé par le public (en général, un vocabulaire de la vie courante). On s'affranchit alors des nombreuses définitions et digressions qui seraient nécessaires sans la métaphore.
Mais beaucoup plus que cela, et on l'oublie trop souvent, l'absence de difficultés sur le vocabulaire permet de se focaliser et de focaliser son public sur le seul concept que l'on souhaite expliquer, et seulement sur le concept. C'est d'ailleurs le fondement même de la métaphore. L'objectif d'un travail de vulgarisation étant bien souvent les concepts plus que le vocabulaire, on voit ici tout l'intérêt de la métaphore.
Enfin, il faut noter la proximité entre le fonctionnement de la métaphore et une idée assez fondamentale en vulgarisation, en médiation scientifique, en CST, en pédagogie... qui veut que toute action parte des connaissances et conceptions du public lui-même, un peu comme une métaphore. Cette proximité créé certainement un lien fort entre vulgarisation et métaphore et donne peut-être un statut privilégié à celle-ci dans l'esprit des acteurs de la CST.
Quelques limites et risques de la métaphore dans un objectif de vulgarisation ?
La base : ne pas oublier qu'il doit y avoir analogie.
Cela parait évident. Pourtant à force de voir dans la métaphore une possibilité de s'affranchir d'un vocabulaire complexe, on peut en oublier la base et chercher des analogies là où il n'y en a que très peu (en bref on risque de faire du capilotracté).
Un vocabulaire courant finalement pas si courant.
Un présupposé est le caractère courant du phénomène et/ou du vocabulaire utilisé dans la métaphore. Attention à ce qu'il le soit vraiment.
Exemple : le champ gravitationnel ? ... Attendez ! Heu, c'est comme le champ électrique ... ou magnétique ... ou électromagnétique ... ou enfin vous voyez c'est pareil !
Superposition désastreuse des champs lexicaux ou comment perdre son public dans les méandres conceptuels de la métaphore.
La clarté de la métaphore tient pour une part à l'aspect disjoint des domaines mis en analogie. Si la limite n'est pas maintenue, le public peut s'y perdre.
Par exemple : utiliser l'image des relations de généalogie pour expliquer le degré de parenté entre espèces ou d'autres notions de phylogénie est extrêmement risqué. En effet la phylogénie traitant de problème d'espèce ou de population, alors que la généalogie porte sur les individus, les deux domaines semblent suffisamment disjoints pour quelqu'un maîtrisant ces notions. Pourtant les concepts vont vite se mélanger et cela va devenir complexe dans une discussion lorsqu'il faudra aborder les termes de variations, de transmissions génétiques, de sélection, de définition phylogénétique de l'espèce, ... Toutes ces notions vont mélanger les vocabulaires et les concepts des deux domaines et le néophytes finira par s'y perdre.
Autre exemple : les plaques tectoniques flottent sur le manteau comme des radeaux sur l'océan. Passons sur le fait que l'analogie ne sert à rien puisqu'elle cherche à expliquer le verbe "flotter" qui ne le nécessite pas a priori. La difficulté n'est pas immédiate mais arrivent très vite si derrière cette phrase viennent des précisions du type : les plaques tectoniques peuvent être continentales ou océaniques !!! De vrais néophytes risquent vite de se mélanger les pinceaux entre les plaques et les océans et cela deviendra catastrophique lorsqu'on abordera les notions de subductions ... Mais finalement qui flotte sur qui ???
L'analogie auto définie par la métaphore elle-même.
En plus clair, seul celui qui maîtrise les deux phénomènes peut par comparaison déduire ce qui est analogue aux deux et donc la limite de ce qui est transposable. Faisant l'effort d'aller dans le langage courant pour décrire un phénomène scientifique, le vulgarisateur peut oublier que son travail n'est pas qu'un exercice de style visant à trouver un phénomène de la vie courante similaire à celui à expliquer. Il doit garder à l'esprit que la comparaison doit surtout fonctionner dans l'autre sens : du courant vers le scientifique. Il peut oublier que l'analogie qui lui parait à lui évidente tient surtout au fait qu'il connaît les deux phénomènes comparés. Il peut finalement oublier de préciser au néophyte ce qui est effectivement comparable.
En fait, pour aller plus loin sur ce problème, on peut dire que dans certains cas les limites de ce qui est commun aux deux phénomènes comparés ne peuvent se déduire qu'en maîtrisant les deux phénomènes.
La métaphore n'est valable que pour ceux qui n'en n'ont pas besoin !Le dernier risque abordé ci-dessus peut s'exprimer différemment. Ce que l'on demande au public quand on lui présente une métaphore, c'est de "prendre avec lui" un phénomène et de l'appliquer dans un monde qui lui est inconnu (tient voilà une petite métaphore :-)). Mais quand il fait son "bagage", rien ne lui indique précisément ce qu'il doit emmener. Les limites précises de ce qu'il doit prendre dans son monde pour l'appliquer au monde inconnu ne lui sont justement pas connues. Pire, il n'a pas forcément conscience qu'il emmène plus ou moins de bagage avec lui. Si le vulgarisateur n'y est pas attentif, il peut se retrouver avec une métaphore qui produit finalement plus d'incompréhension que de compréhension.Cette remarque est une mise en garde générale concernant les métaphores en vulgarisation. Tout vulgarisateur utilisant une image, une comparaison, une métaphore, doit être très conscient que les aspects comparables des deux phénomènes ne sont connus que des personnes qui justement maîtrisent déjà les 2 phénomènes. Les autres personnes, qui sont les vraies cibles de l'image, vont devoir "improviser". Pourtant ce sont bien elles qui vont in fine décider de ce qui semble comparable entre les 2 phénomènes !!! - j'ai ici un vague souvenir d'une petite BD qui illustrait je crois cette idée sur la sortie des eaux avec des poissons et des bouteilles d'oxygène. Je ne suis plus sûr qu'elle portait bien sur cette idée mais si quelqu'un la retrouve, je suis preneur !
Cette difficulté de l'usage de la métaphore en vulgarisation invite à ne pas se contenter de l'image trouvée pour expliquer un phénomène, mais à l'accompagner, la discuter, la réfléchir (si possible avec son public), ... Bref ne pas se reposer sur ses lauriers !
J'ai l'impression que vous recherchez la métaphore parfaite, celle qui fournira une parfaite analogie qui sera comprise sans détours par deux personnes partageant la même culture générale. Evidemment, le but de la métaphore est de faire comprendre quelque chose à quelqu'un qui, a priori, n'aurait peut-être même pas été intéressé par le sujet, si la métaphore ne l'avait pas "harponné". Dans ces conditions, il sera toujours inévitable que toute métaphore soit imparfaite, qu'elle atteigne rapidement ses limites si on creuse trop... C'est la raison pour laquelle on enseigne dans les cours de vulgarisation et même de journalisme que la métaphore est un outil dans le corps d'un texte, et non une fin en soi.
RépondreSupprimerBonjour et merci pour le commentaire qui pousse à la réflexion !
RépondreSupprimerConcernant le "harponnage", il me semble que dans ce cas, l'objectif premier de la métaphore n'est pas de comprendre un concept (en général exprimé dans un langage non-courant) mais plus simplement d'attirer l'attention d'un lecteur par l'usage de son langage sur des préoccupations dont il n'est pas familié. Il est évident que cet objectif limite fortement le poids de la métaphore : d'une part dans le texte, on ne la filera pas sauf peut-être pour des effets de style, et d'autre part dans les modalité de compréhension des concepts sous-jacents. Du coup les risques que j'évoque y prennent eux aussi une bien moindre importance.
Concernant la recherche d'une métaphore parfaite et la façon dont cet outil est enseigné ! Je pense qu'on est tout à fait sur la même longueur d'onde... Ce billet avait pour principale intention de souligner les risques de la métaphore afin de bien faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une fin en soi (vulgariser n'est pas faire des métaphores) mais d'un outil fort utile. Et comme tout outil, il a ses limites et dangers qu'il vaut mieux connaître. C'est pour avoir constater à diverses reprises que les "vulgarisateurs" n'en étaient pas toujours conscients, pire que ces "mises en garde" n'avaient pas toujours leur place dans les formations à la vulgarisation, que ce billet m'est apparu intéressant.
cela m'évoque la métaphore des particules amoureuses pour expliquer pourquoi un écoulement d'air sur un profil du type aile d'avion crée une portance.
RépondreSupprimer2 particules d'air se séparent lorsqu'elles heurtent le bord d'attaque. Pour se REJOINDRE, car elles sont AMOUREUSES, celle qui passe au-dessus doit accélérer car elle a plus de distance a parcourir que celle qui passe en dessous (l'aile est bombée). Cette accélération crée une portance (effet Bernouilli).
Peut-être que cette métaphore est efficace car elle harponne mais en rien elle n'explique quoique ce soit.
aussi un joli billet sur le danger des mauvaises métaphores : http://www.internetactu.net/2011/03/22/comment-les-metaphores-programment-notre-esprit/
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour le lien...joli billet en effet (pas forcément rassurant, mais joli).
Et bel exemple aussi... de non utilité d'une métaphore (en tous cas pour faire comprendre un phénomène).
Au plaisir de vous voir sur Vulgaris
Malvina