dimanche 23 octobre 2011

Une connaissance vulgarisée ne peut pas être scientifique ...


Travailler dans le monde de la culture sur des thématiques scientifiques, a naturellement amené à la notion de Culture Scientifique (et Technique). Pourtant, en partant d'une réflexion sur les enjeux respectifs de l'enseignement et de la culture, j'en viens à me demander si les termes sont bien choisis ... Pour finalement conclure que la "vraie" culture scientifique serait plutôt l'apanage des enseignants ... Mais alors nous, à quoi on sert ?

Des objectifs différents

Dans le cadre d'une action d'enseignement (ou d'apprentissage ou de formation), l'objectif est l'appropriation par une personned'un savoir pré-établi. Ce qui est rarement exprimé, même si tout le monde le sous-entend, c'est que ce savoir une fois intégré doit être le même pour tous, et donc le même que celui d'origine. Les "modifications personnelles" sont à limiter au maximum (2+2=4 et pas 5 si cela me chante). Cela explique que la vérification des acquis soit si centrale dans l'enseignement.
  • L'important pour l'enseignement est le contenu de la connaissance et notamment sa non-distortion, plus que la manière dont cette connaissance est intégrée (qui n'est pour lui qu'un moyen).
A l'inverse, dans le cadre d'une action culturelle, l'objectif est le développement d'une connaissance partagée *. Que cette connaissance soit identique à un savoir pré-établi est secondaire. L'idée forte est qu'il y ait partage et échange. Le savoir partagé peut tout à fait émerger au cours de l'action et se transformer (comme dans un débat par exemple).
  • L'important pour l'action culturelle est que le savoir résultant soit partagé ce qui focalise sur l'échange et non sur le contenu (la non-distortion de celui-ci au cours de l'échange est secondaire).
Culture scientifique et savoir vulgarisé

Dans le cas de la CST, le problème est que l'action culturelle doit chercher à garantir que la connaissance scientifique ne subira pas de distortion (ce n'est pas le but principal comme dans l'enseignement mais c'est une contrainte forte). En effet une connaissance n'est qualifiée de scientifique que parce qu'on en contrôle la production et l'évolution selon des critères communéments admis (réfutabilité, matérialisme, contrôle par les pairs, expérimentation,...).
Si le processus culturel ne cherche pas à contrôler un minimum les connaissances "scientifiques" qu'il met en œuvre, celles-ci risquent très vite de perdre leur caractère scientifique. Et il finira par y avoir tromperie sur la marchandise.
D'ailleurs on est en droit de se poser la question de savoir si une connaissance vulgarisée peut être qualifiée de scientifique. Pour ma part, après les quelques lignes qui précèdent, j'aurais tendance à répondre que non ! Parler de culture scientifique plutôt que de savoir scientifique, est peut-être une solution (plus ou moins comprise) pour « nommer » la connaissance « diffusée » dans les actions de CST. Mais je ne pense pas que cela soit beaucoup plus juste car dans l'expression "savoir scientifique", ce n'est pas le terme "savoir" qui reflète mal la réalité de la CST mais bien le terme "scientifique" et tout ce qu'il présuppose. Et finalement la boucle est bouclé car je commençais ce billet en opposant enseignement et action culturelle. C'était la première erreur parce qu'on pourrait maintenant conclure que seuls les enseignants travaillent vraiment à l'établissement d'une culture qualifié (qualifiable ?) de scientifique.
A nous autres, acteurs de la CST, il nous reste une culture peut-être pas scientifique mais pas moins importante pour nos publics ou nos sociétés !

* pour des précisions sur ma conception de ce qu'est la culture, voir le billet sur les médiateurs ou celui sur le divertissement

2 commentaires:

  1. Salut Thomas,

    Sympa ton billet. Je trouve ça plutôt intéressant de s'interroger sur ce vaste fourre-tout qu'est la CST, ou du moins qu'est en train de devenir le terme "culture scientifique". Idem pour la vulgarisation scientifique et avant de se proclamer les chevaliers défenseurs de la CST ou de la vulgarisation, certains feraient mieux de réfléchir aux valeurs qu'ils défendent (ou souhaitent défendre) dans le fond, ainsi qu'au message qu'ils souhaitent transmettre, plutôt que de surfer sur une vague à la mode sans essayer d'en comprendre l'essence... Bref, je m'égare !

    Pour revenir au sujet de ton post, je ne suis pas d'accord avec toi quand tu remets en cause l'aspect "scientifique" de la vulgarisation scientifique. En effet, à première vue, culture et science possèdent bien deux modes de transmissions soumis à des contraintes différentes puisque, comme tu le précises, la science se doit de privilégier la non-distorsion des connaissances qu'elle sous-tend (dans une certaine mesure tout du moins). Néanmoins, je considère pour ma part que l'exercice de vulgarisation scientifique consiste justement à transmettre au plus grand nombre des connaissances et des savoirs scientifiques, en amenant le public à réfléchir et à débattre autour de ces données, mais en conservant quoi qu'il en soit la véracité des données scientifiques. La rigueur scientifique ne peut et ne doit s'éclipser sous le prétexte que la transmission a lieu sous une forme vulgarisée. Il s'agit "simplement" ici de l'enjeu principal de la vulgarisation et de la plus grande difficulté qu'elle sous-tend, à savoir celle qui se présente au médiateur (et donc à moi hein, je me mets pas au dessus du lot) lorsqu'il s'agit de simplifier sans dénaturer. Considérer que la vulgarisation scientifique ne peut être scientifique revient à un constat d'échec dans ce processus de transmission difficile mais nécessaire et donc à un constat d'échec à propos de notre propre travail de médiation scientifique. Pour ma part, une vulgarisation scientifique dont il faudrait remettre en cause l'aspect scientifique ne peut exister, ou alors il s'agit à n'en point douter d'une mauvaise vulgarisation. Non ? :o)

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  2. Bonjour François,
    Merci de ta réaction ... ça fait réflechir et avancer !
    D'abord l'aspect extrême du titre et de certains passages de ce billet relèvent plus d'un petit délire que d'une croisade pour changer le nom de la CST. Il s'agit bien de culture ou de vulgarisation scientifique parce qu'elle parle de science, se base sur la science, etc.
    Par contre il reste malgré tout quelques idées de fond. La première est que la culture et l'enseignement ont 2 objectifs bien distincts : savoir "stable" et savoir "partagé". La seconde est que le savoir en jeu dans les actions de culture scientifique doit être lui aussi "stabilisé" au maximum.
    Jusque là nous sommes d'accord il me semble !!!
    Là où je modèrerais tes propos, c'est quand tu parles de "l'enjeu principal de la vulgarisation". Pour moi la justesse des propos reste une contrainte d'honnêteté vis-à-vis du public parce qu'on utilise le terme scientifique (et tout ce qu'il véhicule). Supprimons-le et on continuera à faire de la culture sur des données scientifiques mais avec une contrainte de véracité bien moins grande (comme certains artistes le font sans se prévaloir de faire de la CST).
    Pour conclure, bien sûr qu'il s'agit là d'une contrainte majeure mais ce n'est pas pour moi un objectif (comme dans l'enseignement).
    A bientôt
    Tom

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