jeudi 26 mai 2011

L'école et le musée : combat de boxe ou valse à 3 temps ?

Sondage :
Pour vous : l'enseignement fait partie des moyens dédiés au développement de la culture - OU - le développement de la culture est un bénéfice collatéral de l'enseignement ?

Cette question illustre un problème récurrent lorsque 2 champs d'action sont proches. Chacun des acteurs de 2 mondes qui se chevauchent ont tendance à réduire l'autre monde à un sous-ensemble du leur.
Ce n'est pas forcément une erreur en soi.
Au sein des musées, le monde scolaire n'est qu'une sous-partie du sous-ensemble des publics ou des partenaires ou des objectifs ... A l'inverse : pour les enseignants, la culture n'est qu'une seule des facettes de l'enseignement, de ses objectifs, de ses contraintes, ...
L'erreur est en fait de considérer que l'autre monde ne se résume qu'à la partie commune des deux et uniquement à cette partie.



Sur ce terrain des mélanges des mondes culturels et scolaires, la culture scientifique et technique renforce encore plus les rapprochements, chevauchements ou tensions et cela pour diverses raisons (liste non exhaustive, bien entendu !) :
  • Vu par l'enseignement : les contenus diffusés ou utilisés dans les actions de CST peuvent être très proches de certains programmes scolaires. De plus les sciences sont pour l'enseignement primaire une vraie difficulté : les professeurs y sont peu formés alors qu'elles deviennent centrales dans la suite de l'enseignement (du moins pour les aspects sélectifs de l'orientation). Tout cela tend à pousser les enseignants à s'approcher autant que possible des actions de CST.
  • Vu par les acteurs de la CST : les politiques du chiffre qui s'imposent un peu partout dans les évaluations des actions culturelles forcent les acteurs à trouver des solutions pour augmenter leur "audience". Or le monde scolaire offre une masse de public relativement uniforme, facile à qualifier et relativement facile à faire venir. Tout cela invite ces acteurs à en faire un public central et/ou privilégié.

Ces "rapprochements" ne sont pas forcément problématiques, bien au contraire. Mais ils peuvent le devenir si on oublie les rôles et objectifs de chacun. N'étant pas du monde de l'enseignement je me limiterais aux difficultés liées à l'inclusion d'une part du monde scolaire dans le champs des actions de CST (et plus particulièrement des musées de CST).

Des cours dans les musées
Concernant l'offre pour les publics scolaires, la dérive principale est de renoncer à son objectif de "faire culture" et à lui substituer les objectifs des enseignants. Si l'on n'y prend garde, on risque de finir par proposer des actions qui ne sont que des versions légèrement différentes (et encore !) de ce que peuvent faire les enseignants dans leurs classes.
Cela ne signifie pas qu'il faille interdire "les cours dans les musées", mais ceux-ci doivent être l'affaire des enseignants dont c'est le métier, pas d'animateurs ou de guides dont les objectifs sont ailleurs. Le musée est utilisé dans ce cas là comme un support pédagogique à une action d'enseignement.
Il est d'ailleurs assez triste de constater la diminution des "professeurs détachés" dans les musées qui pouvaient aider à cette clarification. En effet ils constituent pour moi le moyen que se donne l'éducation nationale pour accomplir ses propres objectifs sur des lieux qui en ont d'autres. Leur diminution peut amener 2 résultats. Soit d'autres personnes vont prendre en charge ces objectifs (animateur, chargé de projet, ...) et ils le feront moins bien que les professionnels de l'enseignement que sont les professeurs. Soit personne ne le fera et les scolaires n'iront plus aux musées ou ne l'utiliseront plus comme support d'enseignement. Soit on "naviguera" entre ces deux cas avec des offres aux objectifs peu clairs et donc aux résultats peu probants.

Des musées d'enseignement
L'autre versant des dérives liées à un "mauvais" rapprochement entre culture et enseignement, c'est l'impact de l'enseignement sur le reste des structures culturelles : les autres publics, les autres offres, les autres pratiques, ... Voici une petite liste encore une fois non exhaustive :
  • La première difficulté est de sur-concentrer ses moyens pour le public scolaire et ainsi de délaisser les autres publics (qui rappelons-le viennent eux dans une démarche plus proche des objectifs de la structure).
  • La deuxième difficulté est d'orienter des offres "grand public" afin qu'elles répondent mieux aux attentes des scolaires. Or encore une fois, ces publics ne viennent pas forcément dans une dynamique de culture. On peut ainsi se retrouver par exemple avec des expositions ou des animations très linéaires, aux pré-requis très scolaires, avec des objectifs exclusivement posés en terme d'acquisition de compétences (savoir, savoir-faire, savoir-être), etc...
  • La troisième difficulté est de voir ses outils se transformer progressivement, et sans forcément que cela se voit, pour n'adopter plus que le regard "scolaire". Ainsi les équipes "des publics" ou "d'animation" deviennent des équipes "pédagogiques" puis des équipes exclusivement dédiées "aux scolaires". Autre exemple : la théorie emprunte à celle de l'enseignement pour finalement oublier son origine. C'est l'évaluation ou les objectifs qui ne se concentre que sur les acquisitions des publics (quand bien même il s'agit de savoir, savoir-être, savoir-faire, nous restons dans l'éducatif et on l'oublie). Ce sont les classifications des publics qui ne peuvent plus s'exprimer qu'en terme de cycle alors qu'on s'adresse à des enfants venus dans des cadres différents (famille, centre de loisir, ...).
Que conclure de tout cela ?
Comme je l'ai déjà indiqué plus haut, les rapprochements, chevauchements, croisements de 2 mondes sont positifs. Ils font réfléchir, murir, forcent à travailler ensemble, etc. Pour autant il ne faut pas non plus s'y perdre et notamment y perdre de vue ses propres objectifs. C'est à cette seule condition qu'on pourra en profiter pour avancer.

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